jeudi 5 août 2010

Après la révolution et les coups tordus, le nouveau rôle du Burkina Faso

Il était jeune, charmant et fougueux. Provocateur, il n’hésitait pas à défier les usages diplomatiques en disant tout haut ce que les chefs d’Etat des pays pauvres et faibles pensaient tout bas, mais n’osaient jamais énoncer dans un discours officiel. Et bien que le capitaine Sankara n’ait présidé l’ancienne Haute-Volta - qu’il a renommée Burkina Faso - que pendant quatre ans, entre août 1984 et octobre 1987, il reste la figure la plus marquante de l’histoire de cet Etat sahélien d’Afrique de l’ouest.

En réalité, les festivités officielles ont été reportées au mois de décembre prochain afin de permettre l’achèvement de la vaste entreprise de constructions et d’embellissement engagée dans la deuxième ville du pays, Bobo-Dioulasso, qui a été choisie pour abriter l’évènement. Si Thomas Sankara reste l’icône inoubliable du « pays des hommes intègres », traduction littérale de Burkina Faso, son successeur et actuel président, Blaise Compaoré, paraît bien parti pour s’imposer dans les mémoires comme un bâtisseur qui aura fait progresser son pays dans les domaines économique, social et culturel.

Révolution militarisée

Les deux amis et frères d’armes au sein des commandos parachutistes Sankara et Compaoré ont presque fait oublier leurs prédécesseurs depuis l’indépendance. Lorsqu’ils prennent le pouvoir le 4 août 1983, avec d’autres jeunes officiers, ils affichent la volonté de rompre radicalement avec la corruption et l’inefficacité économique et sociale des régimes précédents, mais aussi avec leur trop grande dépendance à l’égard de l’ancienne puissance colonisatrice, la France.
Mais la réalité quotidienne sous la révolution militarisée était certes moins agréable pour les populations burkinabè qu’on le pensait de l’extérieur. Néanmoins, le charisme et le volontarisme de Sankara séduisent les jeunes générations sur tout le continent. Le choc est donc immense le 15 octobre 1987, lorsque Sankara se fait brutalement tuer dans l’enceinte du palais présidentiel. Un coup d’Etat mené par le numéro deux du régime révolutionnaire, Compaoré, qui prend le pouvoir et préside toujours aux destinées du pays.

Compaoré, calculateur et insaisissable

Seul maître à bord, Compaoré passe haut la main l’épreuve de la transition au multipartisme et se mue en président démocratiquement élu, et réélu sans souci depuis 1991. Candidat à l’élection présidentielle prévue en novembre prochain, il devrait rempiler pour un mandat de cinq ans, l’ultime si la constitution ne venait pas à être modifiée entre-temps pour l’autoriser à se présenter à nouveau en 2015.
Signe de l’emprise de cet homme intelligent, calculateur et insaisissable sur son pays, le débat politique, à trois mois de l’échéance présidentielle de 2010, est focalisé sur l’élection de… 2015 et l’éventuel départ du chef d’Etat qui aura alors bouclé 28 ans au pouvoir. Le Burkina Faso ne s’est pas transformé de pays aride dépourvu de gisements miniers exceptionnels en eldorado - il reste classé parmi les pays les plus pauvres du monde -, mais il a fait d’indéniables progrès qui ont nettement amélioré son image et son statut en Afrique de l’ouest.

L’ardeur au travail de ses femmes et de ses hommes, dans cet ordre, ainsi qu’une passion pour les arts qu’illustre le Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (FESPACO), créé en 1969 et maintenu à flot depuis lors par la volonté collective des Burkinabè, en dépit de la rareté des ressources, constituent les principaux moteurs de ces progrès.

Rôle trouble dans la région

Compaoré a fait jouer à son pays un rôle trouble dans la région, en soutenant discrètement des groupes armés qui ont participé aux guerres civiles au Liberia, en Sierra Leone au début des années 1990, puis en Côte d’Ivoire en septembre 2002. Dans le bras de fer diplomatique engagé depuis 2002 entre la Côte d’Ivoire, locomotive économique de l’espace ouest-africain francophone grippée depuis deux décennies, et le Burkina Faso démuni et considéré depuis l’époque coloniale comme un fournisseur de main d’œuvre agricole bon marché à sa voisine du sud, c’est le pays sahélien qui l’a emporté.

Directement mis en cause par le chef d’Etat ivoirien Laurent Gbagbo au début du conflit, Compaoré a réussi le tour de force de devenir le « facilitateur » du dialogue inter-ivoirien en 2007. L’enfant terrible de l’Afrique de l’ouest en est désormais le faiseur de paix recherché pour toutes les médiations difficiles, du Togo à la Guinée. Ses compatriotes espèrent qu’il ne prendra pas le risque de détruire sa nouvelle image internationale en s’accrochant au pouvoir au-delà de 2015, et attendent de lui la préparation d’une succession démocratique et pacifique.

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